Conclusion

  Impossible de le nier, en moins de vingt ans, cheikh Hamad  a atteint les objectifs  qu'il s'était fixés. Le Qatar est désormais mondialement connus, actif dans tous les domaines et son influence n'est plus un sujet de plaisanterie comme dans les premières années de son règne. Les partenaires de cette petite monarchie pétro-gazière ont vite pris conscience que Doha rompait avec ses habitudes : le Qatar entend bien, dans chaque secteur d'activité, être un partenaire à part entière (c'est à dire au minimum un co-décideur) et non un simple bailleur de fonds ou "sleeping partner". L'émirat a su, depuis 1995, poursuivre avec entêtement la stratégie élaborée avant sa prise de pouvoir par cheikh Hamad. Mais loin d'etre prisonnier d'un schéma préétabli, faisant montre d'une réactivité hors pair, il a su aussi saisir toutes les opportunités qui se présentaient à lui pour prendre de vitesse les autres acteurs. Sur le plan politique, preuve en été donnée par les initiatives du Qatar sur la Libye et la Syrie : l'émirat n'est certes pas à l'origine des soulèvements dans ces deux pays, mais en saisissant avant les autres les virtualités offertes, il s'est positioné comme défenseur des peuples face aux dictateurs, tout en faisant avancer ses intérêts stratégiques (hydrocarbures, dans le cas de la Libye, solidarité sunnite dans le cas de la Syrie).

  Par un recours astucieux et maîtrisé au soft power (démocratisation relative des ses institutions, investissements dans l'éducation , la culture et le sport), le pays a réussi en grande parti à casser l'image négative et caricaturale des "émirs du pétrole", forcément avides et ignorants, héritée du choc pétrolier de 1973-1974. Ce sont en effet les facteurs mêmes de son succès qui menacent aujourd'hui la solidité de la puissance acquise au cours des deux dernières décennies. D'ailleurs, dans une large mesure, les dirigeants de Doha en ont tenu compte: le but des provocations, des extravagances des premières années était de se faire une place sur la carte de la région, et même du monde. A mesure qu'il progressait en notoriété et en influence, le Qatar a progressivement mis en sourdine ce qui fâche. En créant des difficultés diplomatiques à l'émirat, la chaîne sattelitaire, dans ses premières années, avait fait la force du Qatar; sa banalisation récente dans le paysage médiatique arabe lui a fait perdre en influnce, une perte qui s'étend à l'émirat lui-même.

     C'est là le défi auquel il est désormais confronté. Mais quel que soit le talent de l'émir actuel et même de ses successeurs, la place qu'occupe aujourd'hui l'émirat est surdimensionnée. La ruse diplomatique, combinées à des ressources financières exceptionnelles ont permis de bâtir une dynamique de succès. Jusqu'où ira le Qatar ?