III. Les objectifs politiques, économiques et religieux

   

      Le Qatar ambitionne de devenir non seulement un pôle universitaire et culturel, mais aussi diplomatique et médiatique. Du sport à la finance en passant par l'immobilier et les crises internationales : difficile d'échapper à ce petit Emirat qui semble partout présent. cette exceptionnelle réussite ne doit cependant pas masquer les défis  Les autorités Qataries souhaitent faire de leur pays une sorte de modèle pour les pays du Golfe et plus largement le monde arabe. La famille royale souhaite que le pays puisse faire le lien entre islam et modernité, entre fidélité aux valeurs traditionnelles et volonté d'intégrer la nouvelle marche du monde. 2030 est donc une forme de nouvelle frontière, ou le Qatar se projette comme un Etat stable, florissant et puissant. En effet, la facilitation des échanges est l'un des principaux objects de la politique commerciale du Qatar. Les autorités considèrent le système commercial multilatéral comme une plate-forme additionnelle pour améliorer les flux commerciaux et l'investissement étranger et pour offrir davantage de transparence aux investisseurs potentiels. Les autorités se sont engagées à renforcer les capacités institutionnelles du Qatar dans le cadre des objectifs généraux de politique commerciale du pays. Cela inclut le recrutement de personnel qualifié, la formation de celui-ci et l'augmentation de la présence à l'étranger.

 

    La puissante télévision d’Etat Al Jazeera, où de nombreux postes importants sont occupés par des Frères Musulmans, passe pour l’arme majeure de la politique étrangère qatarie. Les frères musulmans est une association fondée en 1928 par Hassan El Banna en Egypte. Déterminée à lutter contre "l'emprise laïque occidentale et l'imitation aveugle du modèle européen", elle se donne un but politique, celui d'instaurer un grand Etat islamique fondé sur l'application de la Charia. L'effet Al Jazeera se mesure par l'impact que cette chaine a eu sur son environnement régional dans la mesure où il sagit avant tout d'un média transnational pour lequel le contexte nationale Qatari reste secondaire. En Egypte, l’Arabie saoudite soutient l’armée et les salafistes, tandis que le Qatar soutient les Frères musulmans. Depuis le début, l'Arabie Saoudite veut mettre un terme à l'expérience des Frères musulmans. A la victoire des «Frères», le Qatar a espéré pouvoir modifier le jeu des alliances dans le Golfe. Il a cherché à renforcer sa position isolée au sein de la Ligue arabe.

 

     De plus, le football, naturellement considéré comme le sport-roi, est au coeur de cette stratégie. Outre l'utilisation du sport sous la forme d'un marketing d'Etat, il faut souligner d'autres aspects importants. D'abord, le sport est conçu comme un facteur de stabilité de la société. Sutout, le sport et toute l'industrie qui l'accompagne est perçu comme un moteur de croissance qui pourra tirer l'économie future du pays. A l'horizon 2030, le Qatar souhaite que seule la moitié de sa richesse dépende de ses hydrocarbures. En effet, les autorités ont engagé une politique volontariste de réduction de la part des hydrocarbures dans l’économie. Depuis 2011, l’objectif est de stabiliser la production du secteur des hydrocarbures à court terme, ce qui s’est traduit par un ralentissement de la croissance du PIB. Elle reste toutefois à un niveau élevé (6,2% en 2012, 6,1% en 2013 et autour de 6% en 2014).  Elle est désormais tirée par les activités hors hydrocarbures (+9,9% en 2013), en particulier les services et un ambitieux programme d’investissements publics (de l’ordre de 200 Mds USD sur la décennie, soit 100% du PIB selon le plan à long terme « Qatar National Vision 2030 »). C'est afin d'éviter un stress économique ou environnemental trop important que les autorités qataries souhaitent s'émanciper de cette dépendance en ramenant à terme la part des ressources énérgétiques dans le PIB à 25%. C'est pourquoi, le gouvernement met progressivement l'accent, dans la stratégie nationale de dévéloppement 2011-2016, sur le dévéloppement des secteurs hydrocarbonés tels que l'industrie, les transports, la communication ou encore les services financiers afin que la part du secteur énergétique dans le PIB 2016 soit d'environ 40%.

 

    Cette stratégie de diversification économique se base sur trois piliers: l'économie de la connaissance, le tourisme et l'industrie du sport. C'est dans cette perspective que l'émirat a lancé un plan d'investissement de plus de 100 milliards de dollars afin d'accueillir le mieux possible les grandes compétitions internationales. Le Mondial 2022 et les Jeux olympiques de 2024 sont dans sa ligne de mire. Enfin, le Qatar s'efforce d'obtenir que le gaz naturel et ses dérivés soient définis comme des biens environnementaux dans le Cadre du Comité du commerce et de l'environnement.

    Ensuite, la religion la plus répandue après le christianisme, l'islam compte aujourd'hui 1,3 milliard de croyants. Cette religion capitale se compose de plusieurs courants. Les deux principaux sont le sunnisme (80% des fidèles) et le chiisme (15%). Dans un premier temps, les sunnites considèrent le Coran comme une œuvre divine : l’imam est un pasteur nommé par d'autres hommes, faisant office de guide entre les croyants et Allah par la prière ; dans certaines situations, il peut s'autoproclamer. Dans un second temps les chiites considèrent l’imam, descendant de la famille de Mahomet, comme un guide indispensable de la communauté, tirant directement son autorité de Dieu. C’est pourquoi leur clergé est très structuré.

Par conséquent, alors que les sunnites acceptent que les autorités religieuses et politiques soient fondues dans la même personne, les chiites prônent une séparation claire. Au Maroc, majoritairement sunnite, le roi est commandeur des croyants, tandis qu’en Iran, à tendance chiite, les ayatollahs sont indépendants du pouvoir exécutif.

 

Toutefois ce nouveau modèle de croissance basé sur l'investissement public va connaitre des limites.

La politique de diversification économique a permis d’obtenir des résultats probants dans l’aval pétrolier, dans le domaine des services (Qatar Airways est devenu l’une des plus grandes compagnies aérienne du Golfe, dans le tourisme d’affaires, Qatar Télécom et Qatar National sont devenus des acteurs internationaux sur leur marchés respectifs). La priorité affichée pour accroître les dépenses de R&D (2,8% du PIB) est de nature à favoriser des gains de productivité sur le long terme. Certaines contraintes sur l’offre demeurent toutefois aujourd’hui importantes : les ressources humaines locales sont limitées avec un ratio de main d’œuvre étrangère par rapport à la main d’œuvre totale parmi les plus élevés au monde (90%). L’investissement public massif dans les infrastructures aura certes un effet d’entrainement sur la demande, mais la rentabilité à long terme des projets n’est pas toujours assurée, de même que leur effet sur la diversification. De surcroît, la mise en œuvre d’un tel programme d’investissement constitue un défi de taille pour le pays. Enfin, la dette extérieure a enregistré une augmentation régulière en valeur absolue. Elle serait passée (engagements extérieurs des banques inclus) de 161 Mds$ à la fin de l’année 2012 à 168 Mds$ (soit 82,7% du PIB) à la fin de l’année 2013.